Une réalité gagnante à tous les coups
Chaque sortie de l’Anglais Matt Cutler est un événement, et ceci depuis 2008. Avec son deuxième album « Lemurian » il esquissait avec une certaine naïveté les contours d’un style brandissant les arpèges de Boards Of Canada avec le Hip-hop Crunchy et roulant dans la masse abstraite. La touche de l’auteur n’a jamais fait un seul dérapage sur les six albums, et chaque évolution symbolise au final une béatitude de plus en plus bluffante. En donnant toute son émotion et en ne forçant jamais le trait, Lone s’inscrit dans la tradition des artistes les plus singuliers du paysage électronique anglais, avec Burial & Mount Kimbie. Et tout porte à croire qu’avec son dernier album, il restera dans les mémoires pour un bon bout de temps.
En effet, « Reality Testing » épure le résultat de plus de sept ans de productions, en jouant avec les gimmicks synthétiques qui sont sa marque de fabrique, jusqu’au passage assez inédit des textures Jazz & Bebop. Avec une construction qui prend son sens et qui ne sonne jamais le glas de la répétition, il apporte une fraîcheur supplémentaire et une chaleur dans les sons qui donne un feeling vraiment excitant sur chaque morceau. La façon dont il joue du clavier sur le sublime instrumentale Hip-hop « 2 Is 8 » ou la Detroit-House très Funky « Begin To Begin » le range dans la catégorie des musiciens de Jazz qui donnent du relief, Herbie Hancock en premier. Le plus mélancolique « Jaded » avec sa mélodie en forme de boite à musique s’impose comme un morceau de Downtempo classieux, symbolisé par un coucher du soleil. Quand le uptempo s’opère, « Vengeance Video » se laisse hypnotiser par son clavier purement House, son charley Jazz et sa progression qui Bounce à chaque seconde, et « Restless City » avance tranquillement sur une base Jazz hyper efficace. Le tempo balance de chaque côté, les claps partent en sucette jusqu’au moment ou un synthé Funk donne le Groove parfait pour donner de la saveur au morceau. Impossible d’oublier un morceau ici, tant ils sont cohérents et forment un tout. On pense surtout aux incroyables « Aurora Northern Quarter » et « Airglow Fires » à la construction alambiquée, mais qui synthétisent le son de Matt Cutler. Sur le Dancefloor, le dernier arrive de nulle part à la première écoute, et restera comme un classique de notre époque.
Album parfait pour faire découvrir la musique électronique à ceux et celles qui rechignent , tant il propose avec une accessibilité déconcertante ce qu’on attend d’un album musical, dans le sens noble du terme.