CURTIS MAYFIELDÂ – Superfly
1972 – Custom Records
Soul Power !
Parlons cinéma et d’un genre américain des 70’s, le Black Exploitation. Courant cinématographique où les afro-américains occupent les premiers rôles et redorent le blason d’une population souvent délaissée par Hollywood.
En 72, sort Super Fly, film de Gordon park JR. Drôle de héros. Il s’appelle Priest (le « prêtre »), il est noir, joueur et flambeur, se sape comme un mac, roule en Cadillac pour vendre sa coke dans les rues de New York.
A l’époque, on n’a jamais vu ça et les cinémas refusent du monde. Personne n’y croyait pourtant. A l’orée des années 70, Superfly est réalisé avec de l’argent avancé par quelques riches mécènes de la communauté noire américaine. Le film se tourne dans la rue et dans les appartements qu’on veut bien prêter. La Cadillac, elle-même, est mise à disposition par un petit gangster de Harlem.On laissera le soin à l’équipe de Bande Annonce de faire la critique du film qui n’est pas une référence du genre . Pour tout dire, il n’y qu’une seule chose de vraiment réussi dans ce film, c’est la BO.
Et ici, c’est Curtis Mayfiel qui s’en charge. Passage obligatoire pour les grandes figures de la musique black, Peu feront pourtant de cet exercice un moment marquant de leur carrière. Isaac HAYES et Curtis MAYFIELD font presque figure d’exception puisque c’est avec leur best seller Shaft et Superfly qu’ils sont connus du grand public.
Superfly fut un pionnier parmi les albums concept dans la musique soul. Un album 100% funk & soul, où Curtis Mayfield y dénonce les dealers qui sont les nouveaux esclavagistes de la jeune société métissée américaine dans un disque remarquable de constance et d’homogénéité. Tous les titres sont solides. Tous possèdent une idée forte exploitée avec intelligence. « Junkie Chase » est un générique de rêve pour toute bonne série télé qui se respecte. « Freddies Dead » déroule un funk cool et classieux que n’aurait pas renié PARLIAMENT. « Pusherman » et son texte malicieux sur des dealers prend toute sa dimension avec le diaporama de Gordon Parks. « Give Me Your Love » et « Think » enfin perpétuent une veine plus sentimentale sans rompre le ton urbain du disque. Mention spéciale à « Give me your love », titre sensuel qui peut faire exploser le thermostat.
Le musicien y affirme aussi son goût pour la précision des arrangements. Cuivres, cordes, percussions, guitares et claviers sont assemblés avec un soin méticuleux. Ce disque montre une musique très réfléchie où la maîtrise l’emporte sur la fraîcheur. Les orchestrations sont millimétrées, les chansons calibrées. Alors que la bande son est enregistrée pour trois fois rien dans un studio de Chicago, où cinquante musiciens apprennent à tenir dans un mouchoir de poche.
Quoiqu’il en soit, Superfly est considéré comme l’une des meilleures B.O. blaxploitation et plus largement comme le meilleur MAYFIELD. Curtis donne ici de l’efficacité à sa musique tout en restant fidèle au son chicagoan. Il donne surtout un sérieux coup de pouce à sa renommée en marquant d’une pierre noire l’histoire de la musique de film. Il devient en 1972 l’égal d’un Stevie WONDER ou d’un Marvin GAYE en terme de popularité.
Au même titre qu’un « What’s going on » de Marvin Gaye ou encore « Innervision » de Stevie Wonder , Superfly, fait office d’Å“uvre majeur dans l’histoire de la soul music. Tombé dessus en fouillant dans les bac de vinyles du cousin, cet album fut un claque instanté pour moi. Classic Soul incontournable, intemporel et conclusion parfaite, je vous laisse avec le titre Superfly , la chanson de cet BO avec son refrain sombre et lancinant, celui d’une Amérique noire qui bascule dans le désespoir et les tactiques de survie meurtrières.