SOPHIE – Product

Au moment où le morceau Lemonade s’est affiché sur les Internets, la claque s’est rangée loin des LOL Cats ou autre connerie pour cerveau disponible. Est-ce que cette chose va partir pour donner une position ambitieuse aux musiques électroniques ou simplement balancer un effet court terme de Hipster démesuré ? Aujourd’hui,et plus d’un an après, la puissance étrange et délibérément Pop garde son attrait de morceau ovniesque, mais la distance du producteur Anglais étonne de jour en jour. Dans Lemonade, il y a des Bleep, des Bop, des bulles qui claquent comme du Click’n’Cuts, mais dans un circuit Bass-music gonflé à la schizophrénie d’une consommation aux lumières blafardes d’un film comme Enter The Void de Gaspard Noé.

Très contemporain, Product l’est fortement. Et bien plus que le ¾ des productions électroniques actuelles. Et pourtant, à la première écoute, nous pouvons avoir un mélange entre doute et étonnement. Continuant son travail d’un son dit art brut, SOPHIE a fait ses pas dans la Pop-House aux contours Electro-Pop avec un premier maxi en 2013, faisant penser aux meilleurs de Jimmy Edgar. Sa transformation pour le label Numbers fut excessive dans la technique de production. En parallèle, le collectif PC Music détourne les contours de la Transe et de la J-Pop, tout en structurant la chose vers une émotion synthétique palpable, paradoxale et sociologiquement posée sur la technologie, les transmissions virtuelles et la culture de l’instantané, vu par le prisme d’une enfant ou d’un adolescent. Quand on entend A.G. Cook ; Hannah Diamond ou le projet QT (réalisé par SOPHIE), la position Pop Culture et Art Contemporain se touche et copule, tout en étant perverse et idyllique.

Quatre morceaux des deux derniers maxis sont toujours aussi bluffants, que ça soit BIPP aux relents synthétiques qui donne une position funky éclatante ou HARD, bombe à retardement assez osée de Futur Electro frappé entre naïveté et dureté habile. Le reste, nous sommes dans l’inédit avec MSMSMSM, qui pourrais donner une retraite aux ¾ des producteurs lambda Trap (mélanger Autechre ; Darude & Hudmo … well well) ; VYZEE, House Bumpy qui défonce Hardwell au moindre son (trop futuriste pour sa gueule) et L.O.V.E, morceau extrême et stressant, jouer sur l’aspect de l’amour et la violence (à 1000 lieux d’un Sébastien Tellier). Le final, Just Like We Never Say Goodbye, est un exercice qui assume à 100% les synthés de la Transe Allemande des 90’s, la voix Poppy des tubes 80’s et un refrain et une émotion qu’on ne penserait JAMAIS avoir sur un mélange de ce genre.

Un disque Lobbying, à proposer aux discothèques de la région pour leur faire la nique. Le Fou Du Roi à Draché va trembler.

LABEL / ACHETER

ODEZENNE – Dolziger Str. 2

ODEZENNE – Dolziger Str.2

Label : Tôt ou tard

Sortie : 13/11/15

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8 ans d’existence et un troisième album pour les trois Bordelais d’Odezenne. Un groupe qui m’a fasciné dès ses premières heures, quand je tombais nez à nez avec leur concert, aux Découvertes du Printemps de Bourges en 2008. Au début, Odezenne on les plaçait dans le rap français. Mais très vite, ça a commencé à être compliqué de garder cette étiquette. Aujourd’hui le groupe dit qu’il fait de la musique en français. Car ils font de la musique, et qu’ils chantent en Français. Imparable.

En effet, il n’y a plus grand-chose de « rap » sur ce dernier album des Odezenne, composé à Berlin (à la Dolziger Strasse, qui a donné le nom à l’album). Moins de rap et plus de Odezenne finalement, dans leur univers à la fois si ancré dans le présent et si intemporel. Ils causent de cul, d’alcool, de la mort et de la vie, avec leur plume et leurs mots bien à eux, où tout a un parfum de poésie mélancolique. Finalement, ça pourrait presque les faire cousins des Parisiens de Fauve. Sauf qu’à la place d’un lyrisme écorché un peu trop systématique, on y entend plutôt un réalisme clairvoyant et dansant, sans misérabilisme.

Dolziger Str.2 est un album court (35 minutes – 10 titres). Comme si le groupe nous invitait à une écoute plus attentive. Il n’y a pas de titre « remplissage », on sent bien que chaque morceau est très soigné, a sa vie propre et qu’il nous est personnellement destiné. Il y a des tubes immédiats, qui pourtant ne s’étiolent pas au fil des écoutes. C’est le cas du premier single révélé : Bouche à Lèvres. C’est un titre dansant mais traître. Immédiat par sa mélodie et son rythme parfaitement accrocheur. Mais complexe, aux images très travaillées et au refrain lancinant, qui aborde plein de thèmes chers à Odezenne : la sexualité bien sûr, le rapport entre fantasme et réalité. Et puis il y a, sous-jacent, le thème de la paternité abordé par les deux bouts : vision d’un père en devenir, vision d’un enfant à naître (le titre fait résonance aux comptines de l’enfance). Tout ça se fait merveilleusement écho, et le titre reste clairement le morceau le plus abouti en tout point de l’album. Un vrai coup de maître.

Il ne faudrait pas tomber dans la facilité de s’arrêter au seul tube de l’album car si les autres sont moins évidents à la première écoute, comme bien souvent avec Odezenne, on y trouvera tout autant notre compte si on prend le temps de tendre l’oreille aux autres expérimentations du groupe. Ils réussissent une très belle montée toute en puissance sur le titre « Souffle le vent », nous emmènent dans un univers plus sombre et violent sur « Santana » et écrivent un texte bouleversant dans « On naît on vit on meurt », concluant parfaitement l’album et qui fait un écho tout particulier à la date funeste de la sortie. Car non, le 13 novembre 2015 ne restera jamais dans les mémoires comme le jour de la naissance de Dolziger St. 2.

Un bémol quand même ? Allez, on chipotera sur le visuel de l’album. Un choix délibéré du groupe, qui a orné ce Dolziger Str.2 d’un losange bleu volontairement ultra pixelisé, sigle utilisé par les cambrioleurs pour signaler une maison inoccupée. Cet album est d’ailleurs perçu par Odezenne comme une effraction, et la version collector de l’album est fournie avec un bout de porte fracturée. Un bout de porte de leur appartement de Dolziger.

Odezenne jouait ce vendredi 13 à Rennes, pour fêter la sortie de leur premier album. Coupés du monde pendant leur concert, le groupe et le public n’ont appris les événements qu’en sortie de scène. Ils avaient conclu leur concert par les mots de Jaco : « Aimez-vous putain ».

Souleance – Tartare

Peu de choses arrêtent le producteur Pierre Troel : D’un côté, exercice de House Funky en diable au son sec et suintant avec CLAUDE et abstraction sonore d’une grande qualité avec Fulgeance, on en revient à dire que pour lui, la musique n’est pas une affaire purement fonctionnelle. En intervalles assez réguliers, on comprend l’attitude du Français, surtout en ce qui concerne le Breakbeat et la Funk de tout poil. Il y a un feeling à la Gilles Peterson & Lefto dans le côté Crate-Digging, et une singularité à toute épreuve dans les compositions.

Ici son nouvel album Tartare n’est pas périmé pour un sou, mais au contraire illumine une façon de produire qu’on entend souvent … mais en mal, et avec des clichés. Déjà, ici, pas d’exercice de modernisme faussement vulgaire avec ajout de voix R’n’B pitché Chillance, comme la mode du moment. Le duo qu’il compose avec DJ Soulist possède un cahier des charges bien carré et même si il y a des moments purement freestyle, la chaire de l’album appelle à un gigantesque Dancefloor avec des patins à roulette, tendance 70’s. C’est Easy-Listening sans être vulgaire (Ratatouille), tout ça tenant à du groove à tous les étages, très chaud et très imprégné par la Funk.

L’exemple type reste le morceau New-York, moment souple de Disco Downtempo avec un synthé prenant et des clins d’Å“il à la Disco fin 70’s. Tartare offre aussi une sono mondiale qui voyage vers Haïti avec Secoue, titre à la chaleur du pays, avec la technique propre du Broken-Beat. La Funk de film de Blackploitation s’offre aussi sur le titre de l’album, un peu comme si le personnage du Black Dynamite avait fait surface dans notre époque.

Il n’y a acun temps mort, même dans les deux remixes qui abritent le Français Debruit, exercice plus Afro-Funk, tandis que le producteur Allemand Uffe épure le morceau New-York avec un Kick lourd et sauvage, un piano dans son plus simple appareil et une épure qui suit la logique de cette nouvelle génération de producteurs comme Glenn Astro ; Max Graef & Damiano Von Erckert, ajoutant une pointe de minimalisme dans la House. Le Tartare s’offre frais chez Souleance, et c’est sans fin.

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GHOST – Meliora

Il est dur de déclarer un album tel que le Meliora de Ghost album de la semaine ! Album facile d’accès et dans un même temps, tellement complexe ou pointu ou élitiste. Meliora donc, 3ème album des Suédois dont personne ne connait l’identité. Les membres du groupe, comme ceux de GWAR ou de SLIPKNOT par exemple, se cachent derrière des masques et des cagoules. Le chanteur, Papa Emeritus III, est un pape démoniaque sorti tout droit des entrailles de l’Enfer, venu répandre la parole de l’Antéchrist sur Terre, et les musiciens, des Goules sans nom, dont l’apparence a quelque peu changé depuis l’album précédent, Infestissumam.

Meliora (« mieux ou meilleur » en latin) que les membres du groupe traduisent par « poursuite de quelque chose de mieux », qui traite toujours du questionnement autour du satanisme sous une forme beaucoup plus complexe, puisque cela traite de l’humanité et du progrès qui pourrait justement entraîner l’extinction de l’espèce humaine.

L’album occulte des Suédois regorge de perles 90’s à base de synthés effrayants, rappelant les marches funèbres ou les dessins animés Scooby-Doo, des morceaux tels que Mummy Dust , Cirice et son intro acoustique, arpège je-ne-sais-pas-quoi démoniaque et cette voix géniale de Papa Emeritus III ou encore Absolution foutent réellement les boules et nous entraînent dans un univers gorgé de fantômes et de navires hantés.

Mais le sommet de l’art de Ghost est le morceau From Pinnacle to the pit, qui n’est pas sans rappeler Queens of the Stone age mais joué par des morts sortis des Contes de la Crypte – Imaginez les Marcheurs Blancs de Game Of Thrones jouant du rock, ça donne ça ! Et ce riff à la Iron Maiden à la fin ! Morceau génial qui montre, en l’espace d’un seul et unique morceau que justement Ghost est un groupe unique et que le fait d’être satanique ne fait pas d’un musicien un écervelé ne sachant pas être émotif… – j’ai rien compris à cette phrase mais je la trouve cool ! Tremblez misérables humains, on va tous vers la tombe pour danser !

NIVEK – Very Bad Tape 3

Nivek, le rappeur Tourangeau revient avec la fin de sa trilogie Very Bad Tape ! On parle bien sur de l’ep Very Bad Tape 3 !

Toujours Kremlin à la production et Juxebox sur le travail en studio. Deux ans après Very Bad Tape 2, le tryptique se conclut et le gamin à la tête de chou pose son flow sur des instrus plus trap.

Very Bad Tape 2 commençait par Chevalier Noir et sa « boucle horrible« , Very Bad tape 3 c’est Last Action Intro, une instru qui vous envoie dans le cosmos.

 » Il y a des artistes qui foutent le feu et ceux qui jettent un froid  »

Tout est dit.

Strange, Nivek.

« Mal à l’aise comme un sans-papelards. »

Toujours un pied dans l’actualité et Strange en est la preuve. En plus de l’instru qui risque de faire mal aux cervicales en live !

Bejito ! Si ce mot ne vous dit rien je vous laisserai fouiller. C’est sombre, morceau parfait pour se préparer au combat. Un côté Son Goku dans un film avec Freddy Krueger.

On sort les armes et surtout la paire de Puma ! 3ème titre, un des plus efficaces. Un refrain qui rentre droit dans le cortex. 5mn qui en paraissent 3. Un titre qui s’écoute parfaitement en marchant au milieu d’une rue bondée, et en calant ses pas ( en Puma forcément ) au rythme des basses.

Badster, ma préférée. Déjà l’instru est assez incroyable, du lourd de la part de Kremlin et Nivek qui pose un flow dingue qui va et qui vient, ça prend la tête et dans le bon sens du terme. De quoi faire crier Badster par le public d’un concert.

Un Ep qui conclut les Very bad tape. Comme on dit « Toutes les mauvaises choses ont une fin » !

METZ – II / label Sub pop

Ce groupe de l’Ontario s’appelle Metz puisqu’un jour, les mecs en vacances en France, sont tombés amoureux de la Ville de Moselle – Si si, on parle bien de la même – Ils sont tombés amoureux de l’architecture, des transports en commun, de la vie culturelle et de la météo. Et ce sont des fous aussi de The feeling of Love, groupe Messin, alors quand ils ont décidé de former ce groupe de rock, ils ont également décidé de rendre hommage à la ville et au groupe. Vous voyez ?

Arrêtons-là maintenant l’historique et parlons du contenu de ce skeud sorti à nouveau sur SUB POP, comme le premier.

Dès les premières notes de ce disque rempli de poésie en barre -le morceau « Acetate » ou « I.O.U » par exemple – on peut se dire déjà que les mecs jouent fort ! Ils jouent aussi de façon très crade, ils jouent aussi un peu punk, on a l’impression de retrouver ce fameux adage « Campaign for musical destruction » avec la note de musique barrée des 80’s. Vous voyez ?

METZ, ça ressemble à du NO MEANS NO qui jouent fort comme du HELMET, avec quelque chose de JAY REATARD qui aurait mangé les NEW BOMB TURKS. Ce m’évoque aussi la radicalité d’un NIRVANA, période Bleach, là où les structures musicales n’existaient pas. Vous voyez ou pas ?

C’est relativement difficile d’accès, car il n’y aucun moment de pose, et je crois sincèrement que ces 3 chevelus là n’en ont rien, mais alors rien à foutre, et qu’ils aimeraient que les gens se foutent sur la tronche pendant leur concert ! Vous voyez ou alors pas du tout ?

Attention, musique bruitiste, violente, punk !

BURNING HEADS – Choose your trap

(Opposite Prod/PP and M)

La chronique qui va suivre risque malheureusement de ne pas être ultra objective, mais mon travail d’animateur radio et de chroniqueur de disques me fait dire que je me dois d’être professionnel.

Choose your trap – 14ème album des dieux vivants du punk rock Français, les Burning Heads (communément appelés les Burning !) , double album même, pour fêter leur 25 balais de carrière – 25 Balais ? Ca m’évoque plein de choses. Déjà, que leur album Dive, leur 2ème, fera l’objet d’un Lundispensable puisque c’est cet album qui a transformé le death métalleux borné que j’étais en amoureux sans borne du punk rock !

Mais ça m’évoque aussi le fait que ces 4 mecs là, n’ont jamais perdu la flamme, ne se sont jamais perdus dans les méandres du business musical, n’ont jamais baissé leurs pantalons pour gagner des millions, ont toujours su respecter leurs fans et leurs idéaux. Les Burning, après toutes ces années, restent indés et engagés.

Et pour cela, ce double album est une sorte de gros pétard Mammouth qu’on achetait dans les 80’s, une sorte de grosse cerise sur le gâteau, puisque le CD 1 est l’album de punk rock, donc pour les punk rockeurs et le CD 2 est Opposite 3, donc l’album reggae/dub, pour les autres.

Le CD1 regorge de pépites telles que le tube Pop a pill, le très rapide Lie To me, ou le mid tempo très Adolescents « A true life » qui ouvre le bal – Ils savent jouer vite quand il faut jouer vite et ils savent jouer punk quand il faut être mid tempo, les Burning quoi !

Le CD2, le Opposite 3 – est tout simplement peuplé de 10 Guitare – vous savez la numéro 6 du Opposite 2, avec bien évidemment des passages dub (les morceaux Midnight Dub ou Mad Brains qui sentent les salles de concerts enfumées, et qui rappellent ces fameuses dates des Burning Heads où des skateurs avec des t-shirts Seven hate et des colliers à boules slammaient aussi sur du dub, quand d’autres buvaient des bières en pleurant en écoutant « Special Forces » (tube du 1er !!)

Les Burning Heads restent et resteront le meilleur groupe de punk rock français : souvent imités, jamais égalés ! J’en pleure rien qu’en le disant !!

Que Dieu bénisse les Burning !!! Tu parles d’une chronique objective….

Empire Of Sound – Out Of The Norm

Par un frais matin de mars, une pochette négligemment laissée sur mon bureau attire mon attention; deux jeunes dans une voiture style Cadillac avec suspensions hydraulique et capote baissée. Encadrant ce visuel pourtant simpliste, les mentions « Empire Of Sound » et « Out Of The Norm » donnent le ton.

Empire Of Sound est le projet fusion Hip-Hop / Soul concocté par le pianiste/producteur français Juke et le rappeur américain originaire de Caroline du nord et ardent défenseur du Hip-Hop Old School des 90’s, MC Mattic. Réunis par leur passion pour la soul music, les deux compères ont pour ambition ici de créer un album teinté de free-jazz, de funk, de soul et évidemment de Hip-Hop. Pour l’occasion, pas de samples mais des musiciens, au nombre de 4, issus de divers projets Soul Music, élargissant ainsi la palette sonore de cet album.

Et le résultat ? Pour ma part, j’ai pris une sacrée claque. Sans pour autant être passéiste, la galette délivrée est un hommage à une série d’artistes, de Mos Def à Roberto Fonseca en passant par People Under Stairs et bien d’autres. Et c’est à mon avis ici que se joue le tour de force de cet album, proposer une création originale, à la fois passéiste et avant-gardiste sans tomber dans le piège de la surproduction et de la repompe.

Dès la première écoute, le morceau éponyme « Out Of The Norm » paraît sortir du lot, avec ses quelques notes clin d’Å“il à GrandMaster Flash et le flow de Mc Mattic complété par Lil Swan. Mais c’est sans compter sur l’excellent « Work » et ses sonorités free Jazz à la Coltrane ou encore « Lost My Soul Into You » qui comme son nom l’indique, est un tube soul music.
En définitive, un album intelligent qui devrait vous donner envie de sortir phonographe sur l’épaule avec une casquette à l’envers et un pantalon trop bas.