Andrew Weatherall

N’y allons pas par quatre chemins : Andrew Weatherhall est une légende vivante de la Dance Music anglaise.

Démarrant sur les starting-blocks de la scène acid-house, l’auteur s’est lancé sur un partage innovant et psychédélique sur l’album Screamadelica de Primal Scream (1992) et Hallelujah de The Happy Mondays (1990). Pour lui, la dance-music se dissèque avec l’esprit de la nonchalance et l’ouverture vers d’autres mondes, c’est-à-dire les after et l’extase.

Suivront ensuite des remixes progressifs pour My Bloody Valentine ; Finitribe ; Stereo MC’s. Les sons se font plus chauds avec son projet Sabres Of Paradise vers 1994, et avec son ami Keith Teniswood se crée Two Lone Swordsmen, pseudo plus abstrait et expérimental (et le tout chez Warp). Aucune classification est de pair avec lui, le mec est assez instable, et l’est toujours autant dans les années 2000 avec son label Rotters Golf Club. C’est ce que les anglais appellent Leftfield (son groupe The Asphodells avec Tim Fairplay en était toujours la preuve).

Dans son dernier album, le producteur regarde le passé pour mieux ouvrir la brèche du futur. Il y a d’ailleurs un paradoxe assez fort à la première écoute, comme une chose dans les sons datés, comme hors du temps. Dans ce jeu là, il est premier sur la liste, mais en évitant d’être régressif. Car la musique, c’est avant tout une question de dosage, et quand Convenanza convoque à la fois le funk moite (The Last Walk) ; le psychédélisme en fanfaronnade dub et au saxophone sous reverb’ (clin d’Å“il à Sabres Of Paradise dans Frankfurt Advice) ; mais aussi la house de fin de nuit, avec une voix post-punk (Kicking The River), il y a comme un savoir faire et surtout, une écriture qui évite d’être caricaturale. Les styles font comme du va et viens, les mélodies synthétiques sonnent comme du Kraftwerk sous XTC, et quand il se colle à l’Ambient (Thirteenth Night) et à la pop slow-exotica (Ghosts Again, magnifique de justesse), on se dit que le long terme sera la base de cet album. Cette grande richesse musicale correspond bien au personnage et à l’esprit de Béton, et c’est sans aucun mal qu’il soit album de la semaine.

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VERBAL RAZORS – Misleading Innocence

(Dirty guys rock/Dingleberry/Blood n’ doner/Exu Rei records LP 12″ + CD )

Il y a des attentes qui se font longues, tellement longues qu’on a l’impression d’avoir 7 vies. Cette attente s’explique tout bonnement par le fait que Verbal Razors tournent, tout le temps, et ne rentrent que très peu à la maison, juste le temps d’écrire ces quelques ritournelles de Thrash Crossover qui sont à l’honneur sur Béton cette semaine (le chroniqueur qui n’en rajoute pas du tout !!). L’attente dont je parle ici est celle du deuxième album « Misleading Innocence » (qui suit leur terrrrrrible premier album sorti en 2013). Déjà, parlons du titre qui se rapporte directement à cette pochette magnifique réalisée par Jean Sebastien Vermalle (mise en couleur par Degreff, le gratteux, D.I.Y 4 ever!!!) . Le titre signifie Innocence trompeuse, et les espèces de grenouilles sur la pochette sont des Dendrobates, dont certaines sécrètent une substance toxique par leur peau, substance mortelle parfois. D’où l’innocence trompeuse sus-nommée parce qu’elles sont tout de même bien jolies (à la différence d’une Veuve Noire qui, en plus d’être une saloperie, n’est pas jolie du tout).

Pour ce second LP, les Verbal Razors ont mis les petits plats dans les grands, enregistrant chez Monsieur Amaury Sauvé, et mixé à Chicago chez monsieur Carl Saff !

Finissons là les mentions professionnelles si vous le voulez bien, et parlons du fond, puisque c’est ça qui nous intéresse finalement. 10 morceaux, dépassant rarement, voire jamais les 3 minutes (exceptée la dernière « This is not my World » qui est un morceau sombre et faisant office d’Outro, même si ce n’est absolument pas une outro, voyez?). Ce qui fait justement que Verbal ont su tirer leur épingle du jeu dans ce style qu’est le Thrash Métal. Quand des grands pontes genre Megadeth, Overkill ou encore Exodus s’évertuent et persistent à faire des morceaux de 100 minutes, Verbal ont pris le parti pris d’être plus brefs, plus incisifs, plus concis. Ceci bien sûr ne les empêche pas de jouer à toutouche et de nous pondre des riffs de l’enfer (Dendrobate, morceau d’ouverture), des intros qui appellent les démons de tous les mondes souterrains (The answer to everything, qui est ma favorite je dois bien admettre), des morceaux punks (Contradiction), parce que les mecs de Verbal en écoutent figurez vous du Paink !!(comme disent les Grecs), des refrains qui restent en tête comme une pub pour une assurance que je ne citerai pas (Fashion Way of Lies), et bien évidemment, parce que c’est du Thrash quoi, des solos joués à 6 bras , un peu comme le solo d’Hotel California des Eagles en somme, (No Escape).

Surtout, ce qui est frappant, c’est que ces mignons chats démoniaques ne se sont pas emmerdés avec les chichis propres à ce style, morceaux s’enchaînant sans respiration, ni samples, et vont droit là où ils veulent nous emmener : dans les abysses d’un Thrash intelligent, politiquement engagé (comme Nuclear Assault par exemple), critique sur la scène en général, réussissant l’exploit assez rare de réunir plusieurs publics, allant bien évidemment du vieux Thrasheux patché Testament au skateur fan de Trash Talk en passant par le punk qui trouve que quelquefois « leurs riffs ressemblent à du Exploited » (ils sont marrants les keupons des fois) et bien évidemment aux fans de Crust , de d beat Suédois et de Toto (ah ça c’est moi ).

Album terrible qui réveille les morts et qui donne une fois de plus l’envie de vivre dans un monde rempli de licornes et de dragons, sans humains pollueurs, menteurs, Junkies, tueurs de requins, misogynes et racistes.

Et je veux rajouter que Degreff me rappelle Shiryu, le chevalier de bronze du dragon, alors rien que pour ça, les Verbal Razors méritent amplement leur place au Hall of Fame du Thrash !

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THE REBELS OF TIJUANA – #3

Après France Chébran, la compilation de chez Born Bad Records qui nous replongeait dans la funk et le disco des années 80 en France, cette semaine le disque de la semaine nous emmène dans le rock yéyé des sixties, avec le 3e album des franco-suisses de THE REBELS OF TIJUANA : #3 (sortie chez Le Pop Club Records le 29 Janvier 2016).

A ne pas confondre avec les Tijuana Panthers, avec qui ils ne partagent que le nom d’une ville mexicaine et la cool attitude !! Yeah baby !

Déjà 3 albums et ce n’est que cette semaine que j’ai découvert ce groupe. Tout d’abord par cette magnifique pochette qui a su me séduire parmi toutes les autres qui traînaient sur mon bureau :

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Magie d’internet et de l’Å“il humain, voici cette pochette ! Toi aussi, elle te donne envie, non ? De belles couleurs, des collages, des formes géométriques, on est déjà dans une certaine ambiance. Allez, je met le CD dans l’ordinateur, je branche mon casque et c’est parti. Bangs ! Ça balance direct la sauce, dès les premières notes je suis conquise… Attends, quoi ? Mais le type chante en français … haa mais il chante bien en fait, c’est cool !

Au niveau des textes justement ? Du french only et pour le coup, c’est chouette ! Avec plus qu’un brin d’ironie. Leur père spirituel : Monsieur Jacques Dutronc. Leurs frangins : des certains Beatles, Stones, Kinks et autres groupes de garage rock revival.

The Rebels of Tijuana avec leurs gros riffs de guitare fuzz, regrettent le temps où il suffisait de porter une veste en daim et un blues jeans pour être taxé de voyou et de fripouille. Du rock pop « crac boum hue » comme chantait le jeune Dutronc en 66. Et ils sont sélectionnés aux Inouïs du Printemps de Bourges ! Bonne chance à eux.

Allez go twist, et toute la semaine avec l’album #3 des french dandies de THE REBELS OF TIJUANA !

NIGHT BEATS – Who Sold My Generation

Ils sont trois, et ils se sont récemment installés à Seattle après avoir formé le groupe du côté du Texas. Ils s’appellent les Night Beats et leur troisième album vient de sortir sur l’excellent label New Yorkais Heavenly Recording.

Night Beats, on les connaissait déjà avec leurs deux premiers albums au son assez crade, très garage soul dans l’esprit. Sur ce nouvel album, on sent une envie d’évolution du groupe, qui délaisse un peu le côté garage, gagnant un son plus propre, et se dirige vers des sonorités psychédéliques et sixties qui peuvent rappeler l’univers des Allah-Las.

Rien de révolutionnaire sous le soleil Californien donc si on est déjà familier avec cette scène de plus en plus florissante de la côte ouest des Etats Unis (sauf que à Seattle, il fait quand même vachement moins beau qu’à San Francisco). Mais un album d’une qualité et d’une classe assez incroyable, où le nombre d’excellents titres se bousculent. Les tubes qui jalonnent ce disque ont en plus la qualité de se distinguer chacun par un style assez différent. Des cuivres soul et ensoleillés de Bad Love, de la ballade psyché ultra classe de Burn to breath, au single taillé pour la fête avec sa pluie de guitare dans No Cops, en passant par le tube pop simple et efficace de Right/Wrong.

Tout y est dans cet album qui, si il ne se positionne pas dans une révolution de la musique, livre 12 titres irréprochables, proche des grands classiques. Et il peut également être une très bonne porte d’entrée à cette vague pop/garage/psyché américaine en pleine explosion. Avec ce troisième album, les Night Beats se font une place auprès des plus illustres de leurs collègues
!

TY SEGALL – Emotionnal Mugger

TY SEGALL – Emotionnal Mugger

Label : Drag City

Sortie : 22/01/16


Ty Segall est de retour, encore! Le prolifique troubadour californien garage rock nous présente ici son 864ème album: Emotionnal Mugger. En 8 années d’activismes rock, ce multi-instrumentiste est devenu l’un des piliers du renouveau Garage et Psyché-rock. Longtemps considéré comme de la musique à papa, cette scène connait actuellement un revival excitant avec notamment Ty Segall en tête de gondole.

Dès le premier morceau de l’album (« Sqealer »), tu sais que tu es au bon endroit, tu sens ce qui t’attends et tu as hâte. Une succession de riffs envoûtants, saturés, aussi fins que sales, tout autant harmoniques qu’épicés. Même si l’on peut être moins surpris par cet album, Ty Segall continue d’évoluer, puisant toujours autant dans les 60’s pour redéfinir la pop actuelle, à base de sonorités rude, de nappes psyché.

Nouvelle perle de Garage Rock signé Ty Segall.

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GASMASK TERRÖR – Chape de Plomb

C’est toujours délicat de parler de Crust ou de D-Beat à une personne qui n’y connait absolument rien. Donc avant de parler de cet album de GASMASK TERRÖR, de Bordeaux, évoluant dans ce registre, je me permettrai juste de faire une mini – mini présentation du Crust. Branche véner et archi politisée du Punk, inventée, si on peut utiliser ce terme, par des groupes Anglais comme Extreme Noise Terror, Doom, Hellbastard, ou Amebix, ces derniers étant considérés comme les père fondateurs du mouvement, au même titre que Discharge, qui sont quant à eux considérés comme les père fondateurs du D-Beat (le D de Discharge) – ceci expliquant les milliers de groupes de D-beat ou de Crust commençant pas DIS…

Voilà pour la présentation digne d’un numéro spécial des Inrocks.

Revenons à nos moutons, ou plutôt à nos Nazgûls, Gasmask Terrör – 3ème album des Bordelais, « Chape de Plomb » sorti sur le label de Caen, Destructure (Amanda WoodWard, Fuaim Catha, Youth Avoiders, etc…), après moults 45 Tours et autres K7. Comme la phrase écrite tout en haut de cette rubrique extraite du morceau titre, « Chape de Plomb », ce LP est un crachat acide à la face des gens « L’ordre et ses chiens« , un cri de haine sur la société dans laquelle nous évoluons « Tension ! Terreur ! tension ! », une Cluster Bomb balancée avec rage au milieu des troupeaux « Mise au pas ». Mais tout cela fait avec une classe Américaine, vous voyez ?

Morceaux dépassant rarement la minute 30, joués à 11 sur des amplis à 10, à la vitesse de la lumière, les morceaux s’enchainent, sans coupure, ni temps mort, laissant à peine le temps à l’auditeur de respirer ou de s’ouvrir une Maximator –

Le seul truc qui reste, et qui restera, et que l’album fait l’effet de se prendre un pavé dans la gueule dans une manif, ou un coup de masse d’armes asséné par un Orque un peu agacé – Ca fait mal !

Et on est droit de se demander bien évidemment si cela est bien raisonnable d’être aussi maléfique ! La réponse est OUI ! 1000 Fois OUI ! Gasmask Terrör, suppôts de Satan avec des patchs nous servent ici sur un plateau le meilleur album Crust de 2015, peut être même celui de 2016, et deviennent en l’espace de 11 ritournelles, la référence Hexagonale VOIRE Européenne (làààà, c’est une phrase des Inrocks !!!) de Crust, comme Marco Van Basten était la référence dans le Foot dans les 90’s ! Le must !

Rien à voir, mais ça me fait penser que j’ai commandé une licorne et un disque de Saxon pour Noël, j’espère que je vais les avoir, sinon, je ne sais pas comment ça va se passer !

Tremblez chers Humains, les Portes de l’Enfer sont ouvertes !!!!!!!!!!!

Chébran – French Boogie 1980-1985

Un jour en France il y eu du fun. Un jour en France, il n’y a pas eu d’intellectualisme dans les milieux Chébran … mais comme nous le fait dire cette compilation, dixit la phrase de l’ancien président François Mitterrand dans l’émission de Yves Mourousi en 1985 sur TF1 « Chébran, c’est déjà un peu dépassé, vous auriez dû dire cablé ! » … alors de quoi parle concrètement cette compilation ?

C’est à la fois une curiosité et aussi un retour sur un style souvent resté à la marge en France. Cette musique c’est le Funk, le Boogie, la Soul et les touches électroniques et Hip-Hop. Il faut se remettre dans le contexte : c’était un peu le désert dans la presse et la télévision. Bah oui, en même temps, il y avait Téléphone et Trust, et les histoires des chapelles sonnaient à la lettre ! En revenant sur la revue Audimat 03 et sur l’article de Rod Glacial sur l’histoire du Boogie Français, DJ Dee Nasty balance une phrase juste et forte sur la France de cette période : « Pour l’intelligentsia musicale de France, ce qui était groovy était vulgaire. Ce qui fait danser n’est pas de la musique. Donc FUNK ? Pas question !!!!»

Les moments étaient pourtant propice pour continuer à danser, tout en regardant sur les Etats-Unis et les mélanges qui s’opéraient en parallèle… mais bon, beuaahhh de la musique de loubard ! Bravo à l’étonnant label Born Bad d’avoir eu l’idée de proposer un panorama sur l’ambiance Funky à souhait d’avant le Top 50. Si vous avez écouté «Disco Sympatique» de Vidal Benjamin ou les mixtapes de Zaltan du label Antinote, vous n’allez pas être trop étonné, sachant que c’est une suite logique de l’esprit des débuts des radios libres et des discothèques.

Pour les autres, sachez qu’en règle générale, nous avons affaire à un mélange malin, coquin, libérateur et plutôt drôle d’une Funk très bien produite (même pour aujourd’hui), avec des formes sans clivages et imparables et en fond, une écriture française et un délire potache. Alors qu’arrive la fin de l’année, voici un beau cadeau à offrir à vos ami(e)s qui avaient 20 piges en 1982 ; vos parents qui chauffaient les pistes la même année et même à la nouvelle génération, qui ouvriront sûrement les yeux et les oreilles avec étonnement sur l’effet instinctif de cette période. TROP CABLE (et pas 4G) !!!

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SOPHIE – Product

Au moment où le morceau Lemonade s’est affiché sur les Internets, la claque s’est rangée loin des LOL Cats ou autre connerie pour cerveau disponible. Est-ce que cette chose va partir pour donner une position ambitieuse aux musiques électroniques ou simplement balancer un effet court terme de Hipster démesuré ? Aujourd’hui,et plus d’un an après, la puissance étrange et délibérément Pop garde son attrait de morceau ovniesque, mais la distance du producteur Anglais étonne de jour en jour. Dans Lemonade, il y a des Bleep, des Bop, des bulles qui claquent comme du Click’n’Cuts, mais dans un circuit Bass-music gonflé à la schizophrénie d’une consommation aux lumières blafardes d’un film comme Enter The Void de Gaspard Noé.

Très contemporain, Product l’est fortement. Et bien plus que le ¾ des productions électroniques actuelles. Et pourtant, à la première écoute, nous pouvons avoir un mélange entre doute et étonnement. Continuant son travail d’un son dit art brut, SOPHIE a fait ses pas dans la Pop-House aux contours Electro-Pop avec un premier maxi en 2013, faisant penser aux meilleurs de Jimmy Edgar. Sa transformation pour le label Numbers fut excessive dans la technique de production. En parallèle, le collectif PC Music détourne les contours de la Transe et de la J-Pop, tout en structurant la chose vers une émotion synthétique palpable, paradoxale et sociologiquement posée sur la technologie, les transmissions virtuelles et la culture de l’instantané, vu par le prisme d’une enfant ou d’un adolescent. Quand on entend A.G. Cook ; Hannah Diamond ou le projet QT (réalisé par SOPHIE), la position Pop Culture et Art Contemporain se touche et copule, tout en étant perverse et idyllique.

Quatre morceaux des deux derniers maxis sont toujours aussi bluffants, que ça soit BIPP aux relents synthétiques qui donne une position funky éclatante ou HARD, bombe à retardement assez osée de Futur Electro frappé entre naïveté et dureté habile. Le reste, nous sommes dans l’inédit avec MSMSMSM, qui pourrais donner une retraite aux ¾ des producteurs lambda Trap (mélanger Autechre ; Darude & Hudmo … well well) ; VYZEE, House Bumpy qui défonce Hardwell au moindre son (trop futuriste pour sa gueule) et L.O.V.E, morceau extrême et stressant, jouer sur l’aspect de l’amour et la violence (à 1000 lieux d’un Sébastien Tellier). Le final, Just Like We Never Say Goodbye, est un exercice qui assume à 100% les synthés de la Transe Allemande des 90’s, la voix Poppy des tubes 80’s et un refrain et une émotion qu’on ne penserait JAMAIS avoir sur un mélange de ce genre.

Un disque Lobbying, à proposer aux discothèques de la région pour leur faire la nique. Le Fou Du Roi à Draché va trembler.

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ODEZENNE – Dolziger Str. 2

ODEZENNE – Dolziger Str.2

Label : Tôt ou tard

Sortie : 13/11/15

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8 ans d’existence et un troisième album pour les trois Bordelais d’Odezenne. Un groupe qui m’a fasciné dès ses premières heures, quand je tombais nez à nez avec leur concert, aux Découvertes du Printemps de Bourges en 2008. Au début, Odezenne on les plaçait dans le rap français. Mais très vite, ça a commencé à être compliqué de garder cette étiquette. Aujourd’hui le groupe dit qu’il fait de la musique en français. Car ils font de la musique, et qu’ils chantent en Français. Imparable.

En effet, il n’y a plus grand-chose de « rap » sur ce dernier album des Odezenne, composé à Berlin (à la Dolziger Strasse, qui a donné le nom à l’album). Moins de rap et plus de Odezenne finalement, dans leur univers à la fois si ancré dans le présent et si intemporel. Ils causent de cul, d’alcool, de la mort et de la vie, avec leur plume et leurs mots bien à eux, où tout a un parfum de poésie mélancolique. Finalement, ça pourrait presque les faire cousins des Parisiens de Fauve. Sauf qu’à la place d’un lyrisme écorché un peu trop systématique, on y entend plutôt un réalisme clairvoyant et dansant, sans misérabilisme.

Dolziger Str.2 est un album court (35 minutes – 10 titres). Comme si le groupe nous invitait à une écoute plus attentive. Il n’y a pas de titre « remplissage », on sent bien que chaque morceau est très soigné, a sa vie propre et qu’il nous est personnellement destiné. Il y a des tubes immédiats, qui pourtant ne s’étiolent pas au fil des écoutes. C’est le cas du premier single révélé : Bouche à Lèvres. C’est un titre dansant mais traître. Immédiat par sa mélodie et son rythme parfaitement accrocheur. Mais complexe, aux images très travaillées et au refrain lancinant, qui aborde plein de thèmes chers à Odezenne : la sexualité bien sûr, le rapport entre fantasme et réalité. Et puis il y a, sous-jacent, le thème de la paternité abordé par les deux bouts : vision d’un père en devenir, vision d’un enfant à naître (le titre fait résonance aux comptines de l’enfance). Tout ça se fait merveilleusement écho, et le titre reste clairement le morceau le plus abouti en tout point de l’album. Un vrai coup de maître.

Il ne faudrait pas tomber dans la facilité de s’arrêter au seul tube de l’album car si les autres sont moins évidents à la première écoute, comme bien souvent avec Odezenne, on y trouvera tout autant notre compte si on prend le temps de tendre l’oreille aux autres expérimentations du groupe. Ils réussissent une très belle montée toute en puissance sur le titre « Souffle le vent », nous emmènent dans un univers plus sombre et violent sur « Santana » et écrivent un texte bouleversant dans « On naît on vit on meurt », concluant parfaitement l’album et qui fait un écho tout particulier à la date funeste de la sortie. Car non, le 13 novembre 2015 ne restera jamais dans les mémoires comme le jour de la naissance de Dolziger St. 2.

Un bémol quand même ? Allez, on chipotera sur le visuel de l’album. Un choix délibéré du groupe, qui a orné ce Dolziger Str.2 d’un losange bleu volontairement ultra pixelisé, sigle utilisé par les cambrioleurs pour signaler une maison inoccupée. Cet album est d’ailleurs perçu par Odezenne comme une effraction, et la version collector de l’album est fournie avec un bout de porte fracturée. Un bout de porte de leur appartement de Dolziger.

Odezenne jouait ce vendredi 13 à Rennes, pour fêter la sortie de leur premier album. Coupés du monde pendant leur concert, le groupe et le public n’ont appris les événements qu’en sortie de scène. Ils avaient conclu leur concert par les mots de Jaco : « Aimez-vous putain ».