« Ce n’est pas Bastard. Ce n’est pas Goblin. Ce n’est pas Wolf. Ce n’est pas Cherry Bomb. Ce n’est pas Flower Boy. C’est IGOR. Ne vous jetez pas dedans avec l’espoir d’écouter un album de rap. Ne vous jetez pas dedans avec l’espoir d’écouter un quelconque album. Juste, allez-y, jetez-vous dedans. »
C’est avec ces quelques mots que Tyler the Creator lançait vendredi dernier son 6 ème album Igor, sans promotion préalable ni single pour soutenir sa promotion. Et à la sortie des 40 min que propose cette galette on ne peut qu’approuver ce conseil avisé, qui, il faut bien l’avouer, devrait être un postulat de base pour aborder une oeuvre artistique, quelque elle soit.
Depuis la sortie de Flower Boy en 2017, Tyler the Creator semble avoir touché du doigt sa démarche artistique et les idées qui se dégageaient jusque là par à coup sur ses précédents efforts prennent ici tout leur sens. Ainsi pas de doute nous sommes bien dans un album de Tyler, toujours ponctué par des sonorités si particulières, des changements de rythmes brutaux et des productions méticuleusement déstructurées mais avec une cohérence qu’on ne lui connaissait pas jusqu’alors.
Musicalement Igor apparait ainsi comme l’évolution logique de ce qui fut entrepris il y a deux ans, proposant des morceaux à la structure beaucoup plus nette, voguant entre inspiration soul et R’n’B, avec toutefois une présence plus marquée de vagues et effets synthétiques conférant à l’album de légers accents synthpop. C’est ainsi que tout logiquement, Tyler délaisse de plus en plus son flow caverneux pour un chant clair, presque fragile parfois, sensible.
Sensible, Tyler l’est d’ailleurs plus que jamais sur cet album se livrant intimement et lourdement sur les affres de l’amour, ses oscillations, ses sursauts, et les questionnements existentiels qui en jaillissent. S’il n’a peut être pas la plume d’un Earl Sweatshirt ou d’un Franck Ocean, deux anciens membres d’Odd Future, crew qui les a révélé au début des années 2010, l’histoire qu’il nous raconte au long des 12 pistes qui composent Igor est troublante d’honnêteté et les images qu’elle projette assez bluffante.
Igor est peut être dépourvu de morceau clinquant comme pouvait en contenir Flower Boy mais c’est ici au total service de l’album, qui nous apte comme jamais dans la psyché effervescente de l’artiste qui, à l’aune de ses trente ans nous propose son album le plus abouti. Un album total comme le Hip-Hop moderne en propose peu.
À peine plus d’un an après la sortie de leur très remarqué premier album « On », les Hollando-Turcs d’Altin Gün reviennent avec Gece (nuit en Turc), album envoutant, chaleureux comme un couché de soleil en fin d’été, grisant comme les folles nuits qui les suivent parfois.
La création d’un second album est toujours une étape particulière (pardon pour ce poncif), tant les questionnements qui la précèdent sont nombreux. À la lumière de la cohérence de Gece mais également des l’évolutions qui le distingue de leur précédent effort, les membres du groupe ne semblent jamais s’être embarrassés de dilemme de ce type.
Toujours chapoté par Jasper Verhulst, bassiste de Jacco Gardner, les compositions d’Altin Gun sont toujours un subtil mélange des traditions de la musique turc des années 60/70, toujours très éprise d’influences psychédéliques mais délaissant quelque peu leurs racines rock au profit de mélodies au seuil de la funk et la disco avec notamment ici et là l’ajout de boites à rythme aux effets ravageurs.
Le son d’Altin Gün est ainsi assez unique aujourd’hui, intemporel, mariage parfait entre tradition et rythme moderne, se laissant même aller sur la fin à un parfait titre disco/italo qu’on devine allègrement retourner les foules dans nombre de leurs représentations.
L’âge d’or est par définition propre à la nostalgie, une utopie du passé, les Altin Gün sont bien réels et les nuits qu’ils nous promettent lumineuses.