C’est avec un peu de retard que j’ai découvert Aurélien Cotentin, ce rappeur Caenais plus connu sous le nom d’Orelsan. Bien qu’il soit sorti en 2011, son 2ème album « Le Chant des sirènes » est arrivé dans mes oreilles seulement pendant mes années lycée, 4 ans plus tard. Mais où est-ce que j’étais en 2011 pour ne pas en avoir entendu parler ? Pareil pour son premier album « Perdu d’avance » qui m’étais inconnu ! Trop jeune peut-être pour écouter des sons comme « Sale Pute » ou encore « Saint-Valentin » … qui ont pourtant fait parler d’eux.
C’est le titre « La terre est ronde » qui m’a initié à l’univers d’Orelsan, et c’était quand même un peu plus approprié pour une jeune fille mineure. C’est LE tube de l’album qui a continué à faire connaître le rappeur mais sous un meilleur angle, avec un refrain qui reste en tête et qui est chanté en chœur lors des concerts.
Après l’obtention du bac, mon amie Claire, qui avait l’album, allais partir pour 1 an en Nouvelle-Zélande, j’en ai donc profité pour lui demander en guise de souvenir d’elle de me le « prêter ». Album qu’elle ne reverra jamais puisqu’à son retour j’ai malheureusement « oublié » de lui rappeler que je l’avais.
« – Claire si tu le cherche il est toujours chez moi ! »
Cet album est un point de rupture car Orelsan ose mélanger pour la première fois réalité et fiction. Avec par exemple le morceau « La petite marchande de porte-clés » où il parle d’une jeune asiatique qui mène une vie difficile à cause, en partie, de la loi de l’enfant unique en Chine. Ou même avec « Double vie » et « Finir mal », deux morceaux qui se suivent et qui racontent l’histoire d’un mec qui trompe sa copine puis qui se fait larguer et en subit les conséquences.
Ce que j’adore dans cet album c’est aussi les nombreuses références qu’il fait, que ça soit culturelles ou à d’autres de ses morceaux, comme au début de « Plus rien ne m’étonne ». Il fait alors référence à son titre « Changement » sorti 2 ans plus tôt qui commençait par « Plus j’avance, plus j’grandis, plus j’comprends rien… » et propose avec ce morceau une suite où il critique sa propre génération.
En mai 2011 il annonce la sortie de cet album avec le titre Raelsan, il faudra attendre 4 mois pour pouvoir écouter « Le Chant des sirènes ». Raelsan c’est un peu l’alter ego d’Orelsan mais masqué, c’est avec ce titre qu’il a décidé de commencer l’album. Excellente intro pour nous emmener dans son univers !
Sur cet album Orelsan ne pèse pas ses mots. Dans « Suicide social » il balance une série de clichés en stigmatisant la quasi-totalité de la population. Il n’épargne personne et dénonce aussi toutes les injustices, les discriminations, les problèmes de société du monde capitaliste dans lequel on vit… un morceau qui aurait pu être biiien plus long que 5 minutes 41 tant il y a à dire. Ce titre commence calmement avec une musique douce et devient de plus en plus puissant pour finir avec un Orelsan qui parle fort, s’énerve et crie à en perdre sa voix, avec un coup de feu comme note finale.
« Suicide Social » est à prendre au second voire troisième degré, car Orelsan se moque de cette tendance à stéréotyper les gens et il affirme que c’est à prendre comme exemple de ce qu’il ne faut pas faire.
Orelsan a attendu 2017 pour sortir un 3ème album après celui-ci, autant dire qu’en 6 ans j’ai eu le temps d’écouter et de réécouter « Le Chant des sirènes », et c’est surement grâce à ça que je le classe dans mes indispensables. Entre temps, on l’a découvert sur de nombreux projets très variés, notamment avec l’album des « Casseurs Flowters », son duo avec Guillaume Tranchant – alias Gringe. Il est d’ailleurs présent sur l’album en featuring dans « Ils sont cools », seul featuring de l’album.
C’est un duo qu’on retrouvera dans le film « Demain c’est loin » co-produit par Orelsan, puis dans la série « Bloqués » diffusée sur Canal +. Orelsan s’est aussi essayé au doublage avec l’animé « One Punch Man », il explore un peu tous les formats.
« Le Chant des sirènes » est pour moi un chef d’œuvre, et on retrouve surtout sur cet album une de mes chansons préférées EVER, que je connais par cœur, c’est « Si Seul ». Je vous laisse avec ce morceau dont je ne pourrai pas me lasser, même dans plusieurs années c’est sûr <3
L’histoire des San Salvador est née avant eux. Elle a germée tout d’abord chez Olivier Durif, dans les années 70. C’était un chanteur, accordéoniste et violoniste dans le Grand Rouge, groupe acteur d’une certaine révolution du folk aux côtés des Malicorne ou encore de Mélusine. Olivier est natif de San Salvadour, un petit village perdu en Corrèze. Il y a côtoyé et écouté les personnes âgées de ce territoire rural, et y a découvert une tradition musicale orale, loin des partitions et de l’éducation musicale savante. Une musique qui ne s’était jamais figée, et qui a continué à garder une certaine contemporanéité.
Plus tard, Olivier a eu des enfants. Un frère et une sœur, qui se sont liés avec une autre famille du même village, un frère et une sœur aussi. Et ils ont joués avec un autre petit garçon et une autre petite fille. Ils sont 6 amis et chantent ensemble depuis l’enfance, baignés dans l’isolement sans âge de San Salvadour, guidé par Olivier Durif et son expérience. Petit à petit est née la musique incroyable et intemporelle des San Salvador …
San Salvador, c’est d’abord un langage oublié. Celui de la langue Occitane de l’ouest du Massif Central. C’est aussi le langage des corps, comme percussion, comme faiseurs de mélodie. Le sextet peut jouer n’importe où. Le monde peut s’écrouler, la civilisation s’effondrer, les San Salvador pourront toujours garder intact leur répertoire. Six voix, douze mains, un tambourin et une grosse caisse pour tout instrument. Aucune électricité, aucune machine ne vient s’immiscer dans leur polyphonie vocale qui fait appel à nos tripes, à nos racines, à un temps que nous avons oublié dans nos grandes villes.
Avec si peu, il font tant. Capable de ressusciter en nous notre capacité la plus profonde à sortir de notre corps avec les sons qui sont à notre portée de mains et d’oreille autour de nous, comme des générations et générations pouvaient le faire avant nous. Entrer en transe sans produit chimique, danser frénétiquement sans le kick d’une TR-808, c’est l’expérience bouleversante que propose la musique de cette petite famille de Corrèze. Et c’est un carton plein depuis plusieurs années à chacune de leurs apparitions live, que ce soit en acoustique dans des festivals de musiques traditionnelles que sur l’une des plus grosses scènes des Transmusicales de rennes en décembre 2019, où je les ai découvert. Bien sûr, en commençant l’écoute de ce toute premier album des San Salvador, j’étais à la fois fébrile et inquiet. Fébrile de retrouver cette sensation lorsque je les ai découvert sur scène. Fébrile car fixer cette énergie sur disque ne me semblait franchement pas gagné d’avance.
Mais le pari est réussi haut la main et c’est une belle prouesse ! Les arrangements sont fait pour nous amener au plus près des voix et des corps des six musiciens, plusieurs titres n’ont pas été cédés aux besoins temporels de diffusion radiophoniques et prennent le temps de développer les rythmes nécessaires pour atteindre l’état de transe (plusieurs oscillent entre 9 et 14 minutes, comme La Liseta et son final explosif). Néanmoins soucieux de se rendre accessible, on appréciera aussi quelques « single » au format plus classique qui fonctionnent tout de même très bien (comme Fai sautar), comme une introduction à leur univers plus foisonnant. En tout, c’est un album d’une heure sur 8 morceaux qui nous transporte loin, très loin de chez nous.
San Salvador signe avec ce premier album une entrée dans le paysage discographique Français totalement hors normes. Il n’y a pas lieu de les comparer à d’autres, leur musique est unique : puisant à la fois dans des références ancestrales que notre cerveau a peut-être oublié mais pas nos gênes, tout en gardant une actualité improbable en rappelant le jazz de John Coltrane, la techno brute, ou le bain sonore de My Bloody Valentine. Tout ça, sans électricité.
Allumez votre cœur, laissez-vous emmenez par l’ivresse intemporelle des San Salvador. Et rendez-vous à Aucard de Tours 2021 pour la grande communion lors de leur live !