Le duo Français aura pris son temps après la sortie de leur 1er album, The Dog & The Future sorti en 20218. Un 1er album à l’époque que j’avais trouvé en demi teinte, ne parvenant pas à faire oublier la claque de leur 1er EP (Cardan) sorti deux ans plus tôt, où on avait eu du mal à se remettre des titres comme Pretiest Virgin ou I’m That Guy.
Clara Cappagli et Armand Bultheel (respectivement au chant et aux machines) ont donc la sagesse de prendre leur temps, de ne pas courir après le vide qui fait désormais si peur à l’industrie musicale. Les sorties sont si nombreuses qu’en un an un groupe peut tomber dans l’oubli. Alors on pousse à la création rapide, parfois au détriment d’un résultat qui saura dépasser le buzz du mois.
J’aime à croire que ce nouvel album des AGAR AGAR n’est pas fait de ce bois flottant. Loin de vouloir répéter à l’infini la recette qui a fait leur succès au début, ils ont su garder le cap tout en creusant leur propre originalité. L’album Player Non Player a cela d’ambitieux qu’il est annoncé comme étant la bande son à venir d’un futur jeu vidéo, également développé par le duo et qui devrait sortir dans quelque mois.
Bien heureusement, Player Non Player n’est pas uniquement un « album concept » qui servirait d’abord de faire valoir au jeu vidéo, en laissant de côté l’expérience auditive. Au contraire : on y trouve de véritables tubes, comme il en manquait tant dans leur album précédent. Des morceaux à la qualité évidente et immédiate, qui n’en demeurent pourtant pas moins complexes dans leur construction comme le terriblement dancefloor Trouble. Un titre qui trahi de manière évidente l’envie d’expérimentation sonore du duo, sans pour autant oublier l’importance des mélodies pop, des kicks techno, et du groove disco qui a fait leur force et leur notoriété. Un petit chef d’œuvre.
La voix de Clara, modulable entre une clarté évidente et des tons plus sombres et rugueux, rappelle aussi bien les envolées cristallines d’Olivia au sein de The Do (Grass, Dragonlie) que des sonorités plus mélancoliques lorgnant plutôt vers une Lana Del Rey (Fake Names, It’s Over). Elle s’offre même un passage à la limite du punk, flirtant avec Crystal Castles, sur le titre Crave. Côté production, la richesse est grande mais on pourra y retrouver l’écriture libérée et complexe d’un Totally Enormous Extinct Dinosaurs (Trouble), la dark disco d’un La Mverte (Grass, The Visit) ou la pop électronique puissante d’un Thom Yorke (Fake Names).
La fluidité de cet album à vous amener dans différentes ambiances est rendue possible grâce à un très haut niveau de minutie et d’harmonie, de finesse d’écriture et d’intelligence d’une dualité entre pop et expérimentation, entre musique électronique dancefloor et un sens aigu de la chanson. C’est lorsque le côté novateur et le côté populaire se retrouve en bon équilibre que le génie musical est le plus évident, et arrive à surpasser les modes d’un temps.