Artiste : Arcade Fire
Album : Funeral
Date de sortie : 14 septembre 2004
Label : Sinnamon Records / Rough Trade
Il y a toujours un album qui vous fait oublier les à priori que vous pouvez avoir sur un style que vous ne maîtrisez pas. Ça m’est arrivé pour tous les grands mouvements musicaux que j’écoute encore à fond aujourd’hui : le hip hop, la musique électronique et bien sûr, la pop. La pop, enfin révélée à ma pauvre âme grâce à ce sublime 1er album des Canadien de Arcade Fire : Funeral.
Jeune lycéen boutonneux ayant encore un horizon musical à peu près aussi large que celle de Carlos (ma grande (r)évolution avait été d’arrêter d’écouter fun radio pour passer à NRJ. « Je grandi », m’étais-je alors dit fièrement). Dieu merci, cette rentrée en seconde a aussi sonné l’arrivée dans ma vie du meilleur conseiller musical qu’il soit : les Internets.
Je ne me souviens plus précisément quand le CD des Arcade Fire s’est déposé par la grâce divine dans mon baladeur plus gros que mon cartable. J’ai en revanche à la perfection ce souvenir qui, je pense, me suivra toute ma vie. J’étais installé tranquillement dans la MDL – si vous savez, la Maison des Lycéens, lieux de liberté totale où on avait le droit de jouer sur des baby-foot ultra défoncés, de réviser dans un vacarme ahurissant ou de tenter de draguer sa voisine de classe en lui offrant une barre de bounty au distributeur ; bref, j’étais donc assis sur une chaise bancale en train d’essayer de me couper des vociférations environnantes en tout genre en lançant cet album des Arcade Fire à fond dans mon casque.
Arrive le deuxième titre : Neighboorhood (laïka). La batterie commence, lancinante et donne le rythme, léger mais prenant. La mélodie arrive : accordéons, violons. Et puis ce chant. Comment peut-on donner cette sensation de puissance sans élever la voix ? Cette urgence ? Le rythme s’emballe pile à la moitié du morceau. Mes poils se dressent. Je ne comprends pas un traître mot de ce morceau, mais son lyrisme me transporte. Et soudain c’est le déclic. Sur l’un des refrains, période d’accalmie, la voix de Win Butler me cueille dans ces cymes aiguës. Je quitte ma table barbouillé de tags vulgaire, une chaleur me remplit le ventre et je me retrouve directement plongé au cÅ“ur des steppes froides du canada. Incroyable. Une sensation à la fois physique et mentale si forte que je n’ai encore jamais réussie à la retrouver jusqu’alors.
Plusieurs années durant, cet album restera mon album d’hiver. Celui que j’aime écouter en marchant dans la neige, ou tranquillement chez moi en regardant la pluie tomber au dehors. C’est aussi celui qui m’a fait comprendre que non, la pop n’est pas seulement ce qu’on entends sur les grosses radios, qu’il faut bien souvent savoir chercher plus loin pour trouver ce genre de perle, ce qui nous fait vraiment aimer la musique, et non juste la consommer passivement. Une émotion rare ce dégage pour moi de Funeral, et ça restera probablement l’une de mes madeleines de Proust auditive favorite encore pour un bon bout de temps.
Enzo