GORAN GREGOVIC – Arizona Dream OST

GORAN BREGOVIC – Arizona Dream Soundtrack

Mercury Records – 1993

La plupart des lundispensables ici à Béton font écho à notre adolescence. Les premières années du lycée, au plus tôt la fin du collège, là où on commence à avoir une véritable oreille sur la musique, et une sensibilité critique sur l’art en général. Tout prend rapidement une ampleur incroyable devant le monde qui s’ouvre à nous, et qui nous forge pour l’avenir.

Mais ce disque là est arrivé bien avant. Il a le charme voilé d’une brume qui est caractéristique des souvenirs de l’enfance. En 1993, à la sortie du film Arizona Dream d’Emir Kusturica, je n’avais que 6 ans, et je me souviens que la bande originale signée par Goran Bregovic tournait en boucle et à fond dans notre salon familial. Et c’était la fête !

A cette époque là bien sûr je n’avais pas vu le film. Je ne savais même pas ce qu’était une bande originale à vrai dire ! De toute manière, à 6 ans j’y aurais pas compris grand chose au film. D’ailleurs, à cette bande originale, j’y comprenais pas grand chose non plus. Mais l’atmosphère qui s’en dégageait m’a marquée. Du haut de mes 6 ans, de mes Contes des la rue Mouftards et de mon abonnement à J’aime lire, la confrontation de mon monde encore enfantin avec la voix caverneuse d’Iggy Pop et les mélodies de l’Est de Goran Bregovic avait quelque chose d’intriguant, si ce n’est d’inquiétant. Il y avait quelque chose de grave dans cette musique, quelque chose du royaume des adultes qui me fascinait mais que je ne parvenais pas complètement à saisir.

Bien sûr, ensuite tout ça c’est estompé. Parfois, j’entendais le tube In The Death Car à la radio, qui activait automatiquement la madeleine de Proust auditive en me replongeant dans mes jeunes années. Mais je ne savais pas du tout qui avait fait ce morceau ni d’où il venait (à l’époque Shazam, ça existait pas !). Les années ont passé, et vers mes 18 ans, je me suis retrouvé à aller au Sziget festival, en Hongrie. En plein après-midi, sur l’une des nombreuses scènes qui jalonnent ce festival qui est l’un des plus gros d’Europe, je me retrouvais devant le concert de Goran Bregovic, à danser pieds nus dans l’herbe en me prenant probablement pour un Gitan libre comme l’air. Et puis là, les premières notes de In The Death Car ont été joué, et tout est revenu d’un coup. Je me revoyais à 6 ans avec ma mère et ça m’a retourné. Tout était parfait à ce moment là, le soleil, les amis, redécouvrir un artiste qui avait marqué mon enfance et ma famille. La claque. La nostalgie.

Depuis tout ce temps je me suis pas mal rattrapé. J’ai vu le film plusieurs fois (un chef d’oeuvre poétique et puissant avec un Johnny Depp au sommet de son art), j’ai aussi vu Goran Bregovic plusieurs fois en concert. Et cet album n’est plus vraiment une madelaine de Proust qui se déclenche sans qu’on le demande, mais c’est plutôt comme la photo d’une personne qu’on garde précieusement dans son porte monnaie, pour la ressortir à l’envie. Pour se rappeler. Pour ne pas trop grandir. Et pour ne pas l’oublier.

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