L’éthiopien Mahmoud Ahmed est un géant de la musique Africaine au même titre que Fela Kuti ou Ali Farka Touré.
Son album « Ere Mela Mela » est l’album emblématique de ce qui a été appelé l' »Age D’or de la musique Ethiopienne ». En 6 ans, de 1969 à 1975, la capitale d’Ethiopie Addis Abeba (Swinging addis en clin d’oeil au swinging London) a été le théâtre d’une explosion musicale incroyable. Plus de 500 45 tours et une trentaine d’albums ont été édités durant cette période!
La musique moderne Ethiopienne se caractérise par un mélange de rythm’n’blues, jazz, soul et funk occidental et de mélodies Ethiopiennes au sein de big band cuivrés hérités des fanfares institutionnelles comme celle de l’Armée, de la Police ou de la Ville d’Addis par exemple.
Mahmoud Ahmed commence sa carrière inopinément en 1963 en devenant le chanteur remplaçant au sein de L’Imperial Body Guard Band. Comme aime à le rappeler Francis Falceto, le principal défricheur de toutes la discographie du Swinging Addis, c’est comme si Johnny Hallyday ou Edith Piaf avaient connu leur succès en étant accompagné par la Garde Républicaine!
Sa voix majestueuse, unique, qui doit tant aux soulmen américains qu’au Muezzin en plein appel à la prière en fait vite une vedette au yeux de tout un pays.
Son deuxième album, « Ere Mela Mela » est sorti en 1975 soit juste après la chute de l’empereur Selassié, renversé par un coup d’état militaire. Très vite une dictature communiste s’installe. On peut lire dans ce majestueux album de Mahmoud Ahmed l’annonce d’une période noire pour l’Ethiopie. Les 10 morceaux de l’album (ou 12 pour les rééditions) sont incroyables de tension passionnée et mélancolique. Les arabesques vocaux de Mahmoud Ahmed sont plus chargées d’émotions que jamais. Le groupe de 7 musiciens qui l’accompagne brûle d’un groove extatique sur lequel sa voix presque mystique, hypnotise, virevolte, pleure.
Pendant les années de plomb qui suivent, tout le Swinging Addis est démantelé, le couvre feu empêchant toute vie nocturne et donc toute activité musicale (qui économiquement dépend des clubs et restaurants) seuls 3 groupes dont celui de Mahmoud Ahmed survivent, cantonnés aux animations musicales dans les hôtels de luxe de la capitale.
En 1984, alors que la musique Ethiopienne n’est toujours pas sortie de son pays, Francis Falceto alors programmateur du Confort Moderne, écoutent des disques ramenés d’Ethiopie par un ami. C’est le coup de foudre, il se met en tête d’aller en Ethiopie, de rencontrer Mahmoud Ahmed et de lui organiser une tournée européenne. Il se heurte à l’interdiction pour les ressortissants Ethiopiens de sortir du territoire mais parvient à rencontrer Mahmoud Ahmed et à faire rééditer en 1986 pour l’Europe son chef d’oeuvre inconnu en occident « Ere Mela Mela ». C’est une révélation pour de nombreux amoureux de la musique.
Ere Mela Mela devient un album indispensable à tout curieux des musiques du monde. Mais ce n’est que dans les années 90 avec la chute de la junte militaire, mais aussi avec le succès de la collection Ethiopiques dirigées par Francis Falceto sur le label Buda Musiques, que Mahmoud Ahmed commence sa carrière internationale.